UN BEAU REPORTAGE SUR LA VIE DU TROUPEAU.

Chamelon à la tétée par Alika Nakash

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Tiviski: une laiterie qui s’approvisionne en lait auprès des pasteurs en Mauritanie

Challenges > Entreprise > Le chocolat au lait de chamelle fait un tabac dans le Golfe

Cette spécialité saoudienne n'est pas la seule à plaire à la clientèle arabe. De nombreuses marques locales cherchent à rivaliser avec les grandes maisons suisses, belges et françaises.

C’est un chocolat qui interloque les Suisses. Et leur vole une partie de leurs clients fortunés. Ce mardi 24 décembre, le journal de référence de Zurich, leNeuer Zürchner Zeitung, consacrait au chocolat produit au Moyen Orient un très long article dans sa rubrique économique. Un envoyé spécial du quotidien a écumé les galeries marchandes les plus chics de Dubaï et déniché des marques locales très haut de gamme.

Non que ces produits soient sur le point de détrôner les poids lourds helvètes, français ou belges, mais ce marché de niche, basé sur le luxe, est en croissance exponentielle. En 2013, le chocolat fabriqué en Arabie Saoudite a généré un chiffre d’affaires frôlant le milliard de dollars (soit le double d’il y a 5 ans). Avec sa propre production, l'Iran a atteint les 700 millions et les Emirats arabes unis (EAU), 400.

Selon le cabinet d’études londonien Euromonitor, cette croissance va se poursuivre. D’ici à 2018, ses experts s’attendent à une hausse de 50% de la production saoudienne et de près de 40% dans les EAU. Ce succès s’explique par la hausse généralisé du pouvoir d’achat dans la région, et par une mode: le chocolat est devenu un cadeau très prisé. En particulier au moment du ramadan et pour les naissances, où il n’est pas rare qu’un nouveau-né soit gratifié d’une douzaine de kilos en cadeau de bienvenue. De plus, ces chocolats s’exportent de plus en plus dans la région et sont présents dans tous les aéroports du Golfe.

Du lait de chamelle venu de Dubaï

Les marques sont nombreuses et d’origine géographique variées. Il y a le pionnier Patchi, fondé en1974 au Liban et qui, depuis, a ouvert des usines en Arabie Saoudite, dans les Emirats, en Egypte et en Syrie. Et près de 150 magasins dans le monde. Il y a aussi Bateel, fabriqué en Arabie Saoudite et gros exportateur. Ghraoui, un incontournable à Damas, dont les produits se font plus rares avec la guerre civile. Il y a également Chichak, une gamme de délicatesses sucrées en provenance d’Iran.

Amandes, abricot, caramel, écorces d’oranges, noix, figues, pistaches, dattes biologiques, les ingrédients des chocolats de luxe du monde arabe sont nombreux. L’un d’eux est plus inattendu: le lait de chamelle. L’entreprise phare du chocolat au lait de chamelle est al-Nassma, société saoudienne, dont les chamelles sont élevées à Dubai et la pâte à chocolat produite en… Autriche.

Le chocolat contient de la poudre de lait de chamelle à 21% et du cacao à 39%. Depuis quelques années, ce produit est devenu chouchou des blogs féminins et gastronomiques. Trois fois plus riche en vitamine C que le lait de vache, contenant davantage de calcium et beaucoup moins de graisses, le lait de chamelle est recommandé pour les diabétiques et les intolérants au lactose. Al Nassma a d’ailleurs des envies de s’implanter en Occident. La marque a fait une apparition remarquée au salon du chocolat de Paris en 2012.

Le lait de chamelle, un produit prometteur

glace au lait de chamelle
glace au lait de chamelle

Le lait de chamelle est de plus en plus reconnu pour ses effets bénéfiques pour la santé et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime le marché à 10 milliards de dollars.

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En parcourant le menu de chez Hamdi, restaurant somalien du centre de Nairobi, une suggestion attire l'attention: du thé au lait de chamelle. 

Jadis l'unique réserve des peuples nomades somaliens et des communautés du Moyen-Orient, le lait de chamelle, naturellement demi-écrémé, trois fois plus riche en vitamine C que le lait de vache et bourré d'anticorps, est de plus en plus reconnu par la FAO et les consommateurs soucieux de leur santé. À Nairobi, le lait de chamelle est désormais disponible dans les restaurants et dans les supermarchés. Pour les plus aventuriers, des milkshakes, ainsi que des camelcinos, c'est-à-dire des cappuccinos au lait de chamelle, sont disponibles dans certains restaurants. 

Mais pour les communautés paysannes du Kenya, qui dépendent des chameaux, le robuste animal qui peut passer 10 jours sans boire, a bien plus à offrir que du lait dans une tasse de café. Contrairement aux chèvres et aux vaches, les chamelles peuvent produire du lait pendant la saison sèche et en période de sécheresse, c'est pourquoi elles sont considérées comme "une moitié de Dieu" par la communauté Rendille, dans le nord-est du Kenya. 

Leur résistance à la sécheresse a conduit le gouvernement kényan, des ONG et le secteur privé à s'intéresser au potentiel de ces animaux. Selon une étude réalisée à la demande de SNV, ONG néerlandaise, environ 340 millions de litres de lait de chamelle ont été commercialisés en 2007, pour une valeur de plus de 8 milliards de shilling kényans (environ 70 millions d'euros). C'est donc un marché plus important que celui du coton et comparable à celui du café.

La FAO estime que le marché du lait de chameau pourrait peser 10 milliards de dollars si des améliorations clés sont faites et que le marketing adéquat est mis en place. Le gouvernement kényan fait donc des efforts pour renforcer ce marché et mettre les paysans en lien avec de plus grands marchés. 

Julius Karuse, qui travaille au ministère du développement du bétail a déclaré : "Nous sommes en train de construire une mini usine laitière à Garissa. Nous encourageons également les paysans à acquérir des chameaux dans les communautés où l'élevage n'est pas habituel mais où la terre sèche et le climat sont propices à l'élevage". 

A la tête de cet effort de commercialisation du lait de chamelle, on trouve un petit groupe de femmes de la ville d'Isiolo, à 235 km de la capitale, Nairobi. Dans les sociétés paysannes, les chameaux sont un symbole de richesse et représentent un statut social. Les hommes sont en principe les propriétaires et les femmes sont chargées de la traite et de la vente du lait et autres produits dérivés.